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Le patriotisme constitutionnel de J. Habermas face au nationalisme québécois: sa portée, ses limites*

Published online by Cambridge University Press:  13 April 2010

Stéphane Courtois
Affiliation:
Université du Québec à Trois-Rivières

Extract

Il faut saluer, je pense, et avec bonheur, la partition récente de l'ouvrage Patriotisme constitutionnel et nationalisme. Sur Jürgen Habermas de Frédérick-Guillaume Dufour, un jeune auteur québécois qui semble plein de promesses. L'ouvrage s'inscrit à l'intérieur d'une vague de fond observable depuis quelques années déjà chez les chercheurs universitaires, tant au Canada qu'au Québec, qui s'intéressent de plus en plus aux travaux récents du philosophe allemand sur le droit et la démocratie délibérative, et tentent d'en tirer les implications pour l'analyse, la compréhension, voire la mise en question, aussi bien du nationalisme québécois que du nationalisme canadien. Le livre est d'autant plus pertinent qu'il n'existe pas, dans la littérature produite jusqu'ici, d'ouvrage systématique en langue française consacré à l'application des réflexions politiques de Habermas à la situation canadienne et québécoise. Il s'agit là, sauf erreur, du premier ouvrage d'une certaine ampleur consacré à la question.

Type
Critical Notices/Études critiques
Copyright
Copyright © Canadian Philosophical Association 2002

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References

Notes

1 Mentionnons: Leydet, Dominique, «Patriotisme constitutionnel et identité nationale», dans Michel Seymour, dir., Une nationpeut-elle se donner la constitution de son choix?, Montréal, Bellarmin, 1995, p. 7993Google Scholar; Bariteau, Claude, «Pour une conception civique du Québec», L'Action nationale, vol. 86, no7 (1996), p. 105168Google Scholar; Melkevik, Bjarne, «Patriotisme constitutionnel et souveraineté: le modèle norvégien», dans M. Sarta-Bournet, dir., Le pays de tous les Québécois. Diversité culturelle et souveraineté, Montreal, VLB, 1998, p. 163175Google Scholar; Ipperciel, Donald, «Habermas, Taylor et le nationalisme québécois», Dialogue, vol. 40, no3 (2001), p. 529544CrossRefGoogle Scholar; Chambers, Simone, «New Constitutionalism: Democracy, Habermas and Canadian Exceptionalism», dans R. Beiner et W. Norman, dir., Canadian Political Philosophy, Oxford, Oxford University Press, 2001, p. 6377Google Scholar. Cf. aussi mon article «Habermas et la question du nationalisme: le cas du Québec», Philosophiques, vol. 27, no2 (2000), p. 377401.CrossRefGoogle Scholar

2 À ce sujet, cf. les nombreuses entrevues qu'il a accordées, en particulier l'entrevue avec Krüger, Hans Peter (1989) dans J. Habermas, Die nachholende Revolution. Kleine politische Schriften VII, Françfort, Suhrkamp, 1990, p. 97sq.Google Scholar et celle avec Jean-Marc Ferry (1989) sous le titre «Grenzen des Neohistorismus», dans le meme ouvrage, p. 151 sq. Cf. également l'entrevue avec Schwering, Markus (1994) dans J. Habermas, Die Normalität einer Berliner Republik. Kleine Politische Schriften VIII, Françfort, Suhrkamp, 1995, en particulier p. 94sq.Google Scholar Le patriotisme constitutionnel comme expression d'une identité postnationale est pour la premiére fois clairement conceptualisé dans «Geschichtsbewuβtsein und posttraditionale Identität» (1987), dans J. Habermas, Eine Art Schadensabwicklung. Kleine Politische Schriften VI, Françfort, Suhrkamp, 1987, en particulier dans la section III, p. 168sq.Google Scholar (Écrits politiques. Culture, droit et histoire, trad, franç, par Bouchindhomme, Christian et Rochlitz, Rainer, Paris, Cerf, 1990, p. 232sq.Google Scholar). Cf. également la section I à «Nochmals: Zur Identität der Deutschen. Ein einig Volk von aufgebrachten Wirtschaftsbürgern?» (1990), dans Die nachholende Revolution, p. 206sq.Google Scholar (trad, franç, dans Écrits politiques, p. 246 sq.).

3 Cf. «Moralentwicklung und Ich-Identität» et «Können komplexe Gesellschaften eine vernünftige Identität ausbilden?», dans Habermas, J., Zur Rekonstruktion des Historischen Materialismus, Françfort, Suhrkamp, 1976, p. 6391 et 192–126Google Scholar; «Notizen zur Entäicklung der Interaktionskompetenz» (1974), dans Habermas, J., Vorstudien und Ergdnzungen zur Theorie des kommunikativen Handelns, Françfort, Suhrkamp, 1984, p. 187224Google Scholar; «Individuierung durch Vergesellschaftung. Zu G.H. Meads Theorie der Subjectivitat», dans Habermas, J., Nachmetaphysisches Denken. Philosophische Aufsdtze, Françfort, Suhrkamp, 1988, p. 187241.Google Scholar

4 Anderson, B., Imagined Communities: Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, Londres, New Left Books, 1983Google Scholar; Hobsbawm, E. J., Nations and Nationalism since 1780: Programme, Myth and Reality, Cambridge, Cambridge University Press, 1990Google Scholar (trad, franç. Nations et nationalisme depuis 1780, Paris, Gallimard, 1992Google Scholar);Gellner, E., Nations and Nationalism, Oxford, Black-well, 1983Google Scholar (trad, franç. Nations et nationalisme, Paris, Payot, 1989).Google Scholar

5 Je pense naturellement ici au premier ouvrage de Habermas, Strukturwandel der Öffentlichkeit (Neuwied, Luchterhand, 1962Google Scholar), sur lequel s'appuie grandement Dufour. Ce livre est cependant une étude de l'évolution et des changements de structure de la sphère publique bourgeoise du XVllle siècle à nos jours. Ce n'est que de manière indirecte qu'on y rétrouve une réflexion sur la naissance de l'État-nation moderne.

6 Cf. «Staatsbürgerschaft und nationale Identität», dans Habermas, J., Faktizitä't und Geltung. Beiträge zur Diskurstheorie des Rechts und des demokratischen Rechtsstaats, Françfort, Suhrkamp, 1992, p. 649Google Scholar et Habermas, J., Die Einbeziehung des Anderen. Studien zur politischen Theorie, Françfort, Suhrkamp, 1996, p. 189Google Scholar (trad, franç, dans L'intégration républicaine, Paris, Fayard, 1998, p. 83 et 155Google Scholar).

7 Dumont, F., Raisons communes, Montreal, Boréal, 1995.Google Scholar

8 C. Bariteau, «Pour une conception civique du Québec», p. 134 sq.

9 Seymour limite en effet le patriotisme constitutionnel à l'adhésion d'un people au texte constitutionnel fondateur de son État, que ce soit l'adhésion des Allemands à la Loi fondamentale ou celle des nationalistes canadiens à la Constitution canadienne et à la Charte des droits et libertés (charter nationalists). Cf. Seymour, Michel, La nation en question, Montreal, Editions de l'Hexagone, 1999, p. 127128.Google Scholar

10 Sur les différences entre culture «politique» et culture «nationale» et sur les relations entre les deux, cf, entre autres, «Staatsbürgerschaft und nationale Identität», dans J. Habermas, Faktizität und Geltung, p. 642, 651 et 659, et Die Einbeziehung des Anderen, p. 142–143 et 190 (trad, franç, dans L'intégration républicaine, p. 77, 85, 93, 108–109 et 156).

11 Cf. supra note 1.

12 Cela m'apparaît assez manifeste dans ce passage de l'article de Dominique Leydet cite par Dufour et qui semble inspirer sa lecture de la situation linguistique au Québc: «L'identité post-nationale ne prétend pas éliminer les identities collectives particulières, fondées sur une langue, une culture et une histoire communes. Simplement, il est reconnu impossible, dans les sociétés modernes pluralistes, d'ériger une de ces identités collectives particulières en conscience nationale. Cette place doit être occupée par les principes universels des Droits de l'homme et de l'État de droit […]» (D. Leydet, «Patriotisme constitutionnel…», note 2, p. 87; cité par Dufour, PC, p. 189).

13 Taylor, Charles, Multiculturalisme. Différence et démocratie, trad, de l'américain par D.-A. Canal, Paris, Aubier, 1994Google Scholar. (Ouvrage original: Taylor, C. et Gutman, A., Multiculturalism and «The Politics of Recognition», Princeton, Princeton University Press, 1992)Google Scholar. J. Habermas, «Kampf um Anerkennung im demokratischen Rechtsstaat» (1992), dans Die Einbeziehung des Anderen, p. 237–276 (trad, franç, dans L'intégration républicaine, p. 205–243).

14 Cf. tout le chapitre IV de l'ouvrage de Michel Seymour, La nation en question, p. 33–43.

15 En effet, Dufour traite des conceptions de la nation québécoise défendues par Seymour et Bariteau séparément, et ne discute pas de leurs points de discorde (cf. Dufour, PC, p. 169–174 et 174–181). II présente également les differences entre la politique de la reconnaissance de Taylor et celle de Habermas sans faire ressortir le véritable enjeu de leur discussion, qui est celui de la pertinence de droits collectifs pour la survie culturelle ou d'une intervention expresse de l'État pour la préservation d'une culture par des mesures législatives déterminées(cf. p. 185–192).

16 Je reprends ici des idées que j'ai développées dans mon article «Habermas et la question du nationalism», p. 389–392.

17 Cf. supra note 3.

18 Kymlicka, Will, Multicultural Citizenship, Oxford, Oxford University Press, 1995, cf. en particulier p. 8493.Google Scholar

19 Hartney, Michael, «Some Confusions Concerning Collective Rights», dans W. Kymlicka, dir., The Rights of Minority Cultures, Oxford, Oxford University Press, 1995, cf. en particulier p. 204210.Google Scholar

20 Allen Buchanan, «The Morality of Secessions ibid., p. 355 sq.

21 J. Habermas, «Kampf um Anerkennung», p. 243 (trad, franç. dans L'intégration républicaine, p. 210–211). Cf. également Die Einbeziehung des Anderen, p. 258 (trad, franç, dans L'intégration républicaine, p. 225). Habermas résume sa position dans Die Normalität einer Berliner Republik, p. 84.

22 Cf. J. Habermas, Faktizität und Geltung, p. 190 sq. (trad, fran¸c. Droit et démocratie. Entrefaits et normes, Paris, Gallimard, 1997, p.171Google Scholarsq), et Die Einbeziehung des Anderen, p. 252 sq. (trad, franç. L'intégration républicaine, p. 219 sq).

23 Sur les rapports entre autonomie publique et privée et sur leur caractère cooriginaire, cf. tout le chapitre III de Faktizität und Geltung; cf. également Die Einbeziehung des Anderen, p. 163–164, 242 sq. et 298 sq. (trad, franç. L'intégration républicaine, p. 130, 210 sq. et 280 sq.). Mentionnons également que la question des relations entre autonomie privée et publique forme l'un des points de désaccord décisifs entre Habermas et Rawls dans leur controverse récente. Cf. Rawls, J. et Habermas, J., Débat sur la justice politique, trad, par R. Rochlitz, Paris, Cerf, 1997Google Scholar, cf. surtout p. 40 sq. et 83 sq.

24 Kymlicka, W. et Straehle, C., «Cosmopolitanism, Nation-States, and Minority Nationalism: A Critical Review of Recent Literature», European Journal of Philosophy, vol. 7, no1 (1999), p. 6588, cf. p. 76–78.CrossRefGoogle Scholar

25 Ibid., p. 76.

26 J. Habermas, «Kampf um Anerkennung», p. 256 (trad, franç, dans L'intégration républicaine, p. 223). Cf. également Die Einbeziehung des Anderen, p. 142 (trad, franç. L'intégration républicaine, p. 108).

27 J'emprunte cette idée à Michel Seymour. Cf. son livre La nation en question, par exemple p. 23, 37 et 107.

28 On pourrait ici mentionner le cas de la Suisse comme une exception. Mais cela vient sans doute du fait que cet État est composé, non de groupes culturels rencontrant les critères que j'ai énumérés, mais d'extensions sur ce territoire de majorités nationales voisines (d'origine principalement française, italienne et allemande).

29 L'une de ses cibles préférées est Carl Schmitt, qui est l'un des principaux représentants de l'ethnonationalisme en Allemagne. À ce sujet, cf. J. Habermas, Die Einbeziehung des Anderen, p. 160–167 (trad, franç. L'intégration républicaine, p. 127–133).

30 C. Bariteau, «Pour une conception civique du Québec», cf. note 2.

31 Cf. J. Habermas, «Kants Idee des ewigen Friedens - aus dem historischen Abstand von 200 Jahren» (1995), dans Die Einbeziehung des Anderen, p. 203 (trad, franç, dans L'intégration républicaine, p. 172); «Die postnationale Konstellation», dans Habermas, J., Die postnationale Konstellation. Politische Essays, Françfort, Suhrkamp, 1998, p. 109.Google Scholar

32 Les réflexions de Habermas à ce sujet sont à trouver dans les textes suivants: 1) dans Faktizität und Geltung: la section II de «Staatsbürgerschaft und nationale Identität», p. 643–651; 2) dans Die Einbeziehung des Anderen: les sections V et VI de «Der europäische Nationalstaat – Zu Vergangenheit und Zukunft von Souveränität und Staatsbürgerschaft» (1996), p. 145–153; la section V de «Inklusion – Einbeziehen oder Einschlieβen?», p. 180–184 et finalement, «Braucht Europa eine Verfassung? Eine Bemerkung zu Dieter Grimm» (1995), p. 185–191. Tout ce qui précède est traduit dansL'intégration républicaine, p. 78–85, p. 111–119, 146–150 et -157; 3) dans Die postnationale Konstellation: «Aus Katastrophen lernen? Ein zeitdiagnostischer Rückblick auf das kurze 20. Jahrhundert», en particulier les deux dernières sections, p. 79–90 et la section IV à «Die postnationale Konstellation», p. 135–156.

33 Cf. à ce sujet les textes suivants de Habermas: 1) dans Die postnationale Konstellation: la section IV à «Aus Katastrophen lernen?», p. 84–90 et la section V a «Die postnationale Konstellation», p. 156–169; 2) dans Die Einbeziehung des Anderen: «Kants Idee des ewigen Friedens», p. 218–220 (trad, franç, dans L'intégration républicaine, p. 187–189).

34 Held, David, Democracy and the Global Order. From the Modern State to Cosmopolitan Governance, Stanford, Californie, Stanford University Press, 1995Google Scholar, cf. tout le chapitre 12, en particulier p. 271–272 et 279–280. Du meme: (Cosmopolitan Democracy and the Global Order: A New Agenda», dans J. Bohman et M. Lutz-Bachmann, dir., Perpetual Peace. Essays on Kant's Cosmopolitan Ideal, Cambridge, MA, MIT Press, 1997, cf. en particulier p. 248249.Google Scholar

35 Rawls, John, The Law of Peoples, Cambridge, Harvard University Press, 1999Google Scholar, cf. section 15.2 (p. 112–113), particulierement la note 44.

36 Buchanan, Allen, «Rawls's Law of Peoples: Rules for a Vanished Westphalian World», Ethics, vol. 110, no4 (2000), p. 696721CrossRefGoogle Scholar; Pogge, Thomas W., «Cosmopolitanism and Sovereignty», Ethics, vol. 103, no1 (1992), p. 4875.CrossRefGoogle Scholar