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Les disciplines herméneutiques et la théorie critique sont-elles des formes de la rationalité scientifique?

Published online by Cambridge University Press:  13 April 2010

Stéphane Courtois
Affiliation:
Université du Québec à Trois-Rivières

Abstract

The general aim of this paper is to question the idea that hermeneutic and critical social sciences have to be conceived as specific embodiments of the scientific enterprise. This idea is rather implicit in Habermas's work, but has its grounds in his thesis about the argumentative unity of all sciences, upheld for the first time in 1973. Such a point of view turns out to be untenable for two reasons. First, the indiscriminating inclusion of the hermeneutic and critical social sciences in scientific enterprise raises problems of consistency with regard to the systematic guidelines of The Theory of Communicative Action. Moreover, the thesis of argumentative unity of the sciences itself is incompatible with Habermas's methodological conception of the role of Verstehen in the social sciences developed in section 1.4 of the book. Finally, the author argues that this conception calls for another understanding of the status and role of the hermeneutic and critical disciplines, which is outlined in some detail.

Type
Articles
Copyright
Copyright © Canadian Philosophical Association 1999

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References

Notes

1 Cf. Habermas, J., Faktizität und Geltung. Beiträge zur Diskurstheorie des Rechts und des demokratischen Rechtsstaats, Francfort, Suhrkamp, 1992Google Scholar; trad. franç, par Rochlitz, R. et Bouchindhomme, C., Droit et Démocratic. Entre faits et normes, Paris, Gallimard, 1997Google Scholar. Cf. également notre article, faisant un compte rendu de cet ouvrage dans une confrontation critique avec les études récentes de Apel, K.-O. : «Principe de discussion et éthique de la responsabilité chez Karl-Otto Apel», Dialogue, vol. 34, no4 (1995), p. 695711.Google Scholar

2 Cf. Habermas, J., Zur Logik der Sozialwissenschaften, Francfort, Suhrkamp, 1982, p. 10Google Scholar; trad, franç, par Rochlitz, R., Logique des sciences sociales et autres essais, Paris, PUF, 1987, p. 4.Google Scholar

3 Cf. Habermas, J., «Rekonstruktive vs. verstehende Sozialwissenschaften», dans J. Habermas, Moralbewußtsein und kommunikatives Handeln, Francfort, Suhrkamp, 1983, p. 2952Google Scholar; trad, franç, par Bouchindhomme, C., «Les sciences sociales et le problème de la compréhension», dans Morale et communication, Paris, Éditions du Cerf, 1986, p. 4162.Google Scholar

4 Relativement à cette question, Habermas a soutenu sa thèse des plus controversées à propos de l'inévitabilité des interprétations «rationnelles», thèse que nous aurons l'occasion d'examiner plus étroitement dans cette étude (section 2.2). Pour une vue d'ensemble de la question, cf. H. Schnädelbach, «Transformation der kritischen Theorie», dans Honneth, A. et Joas, H., dir., Kommunikatives Handeln, Francfort, Suhrkamp, 1986, p. 1534.Google Scholar

5 Nous reprenons ici une question déjà discutée, quoique partiellement, par Thomas McCarthy. La ligne d'argumentation que nous suivrons sera cependant tout à fait differente. Cf. McCarthy, T., «Reflections on Rationalization in The Theory of Communicative Action», dans Richard J. Bernstein, dir., Habermas and Modernity, Cambridge, MA, The MIT Press, 1985, p. 176191.Google Scholar

6 Habermas, J., Erkenntnis und Interesse, Francfort, Suhrkamp, 1973, p. 393Google Scholar (référence abrégée ci-aprés; EI). Citation provenant de la traduction française par Clémançon, G. et Brohm, J.-M., Connaissance et intérêt, Paris, Gallimard, 1976, p. 353.Google Scholar

7 J. Habermas, EI, p. 393; trad, franç, p. 353.

8 Pour ce qui suit, cf. J. Habermas, EI, p. 394 sq.; trad, franç, p. 354 sq.

9 J. Habermas, EI, p. 394–395; trad, franç, p. 354.

10 J. Habermas, EI, p. 395; trad, franç, p. 354.

11 L'analyse de la double structure des actes de parole et de la réflexivité propre aux langues naturelles date des premières études de Habermas sur la communication. Cf. Habermas, J., «Towards a Theory of Communicative Competence», Inquiry, vol. 13 (1970), p. 367sq.CrossRefGoogle Scholar; Habermas, J., «Vorlesungen zu einer sprachtheoretischen Grundlegung der Soziologie» (1970–1971), dans J. Habermas, Vorstudien und Ergänzungen zur Theorie des kommunikativen Handelns, Francfort, Suhrkamp, 1984, p. 8991Google Scholar; Habermas, J., «Vorbereitende Bemerkungen zur einer Theorie der kommunikativen Kompetenz», dans J. Habermas et N. Luhmann, dir., Theorie der Gesellschaft oder Sozialtechnologie. Was leistet die Systemforschung?, Francfort, Suhrkamp, 1971, p. 104106.Google Scholar

12 Ces relations sont: 1) l'attitude objectivante vis-à-vis (1.1) le monde objectif et (1.2) le monde social, circonscrivant en entier le complexe de la rationalite cognitive-instrumentale; 2) l'attitude conforme aux normes vis-à-vis (2.2) le monde social et (2.3) le monde subjectif, définissant le complexe de la rationalité morale-pratique; 3) l'attitude expressive vis-à-vis (3.3) le monde subjectif et (3.1) le monde objectif, définissant le complexe de la rationalité esthétique-pratique. Cf. Habermas, J., Theorie des kommunikativen Handelns, tome 1, Francfort, Suhrkamp, 1981, p. 326Google Scholarsq. (référence abrégée: TKH); trad, franç, par Ferry, J.-M., Théorie de l'agir communicationnel, tome 1, Paris, Fayard, 1987, p. 250Google Scholarsq. Nous ne discuterons pas ici, comme l'a fait T. McCarthy (cf. note 5), des nombreux flottements dans l'utilisation faite par Habermas des concepts de monde, qui sont interprétés tantôt formellement, tantôt matériellement.

13 Cf. J. Habermas, Zur Logik der Sozialwissenschaften, section III.8, p. 271 sq.; trad, franç. Logique des sciences sociales…, p. 184 sq.; «Der Universalitätsanspruch der Hermeneutik» (1970), dans Zur Logik der Sozialwissenschaften, p. 331 sq.; trad, franç. «La prévention à l'universalité de I'herméneutique», dans Logique des sciences sociales…, p. 239 sq.

14 Ce théme se voit principalement développé dans les sections 6.2 et 8.1 de la Théorie de l'agir communicationnel.

15 J. Habermas, TKH, p. 165; trad, franç, p. 129.

16 Ces modeles d'action et leurs rapports aux différents concepts formels de monde sont analysés par Habermas dans la section précédente (1.3) de l'ouvrage. Ils sont au nombre de trois : «téléologique», «régulé par des normes» (normenreguliertes Handeln) et «dramaturgique». Le premier fournirait selon lui le modèle standard de la plupart des analyses contemporaines de l'action, surtout dans la philosophic analytique. L'agir «regulé par des normes» n'est autre chose que l'action rationnelle en valeur analysée par Max Weber, modèle également repris par Talcott Parsons. Finalement, le modèle d'action «dramaturgique» aurait surtout été mis en relief par l'un des représentants du courant ethnométhodologique en sociologie, E. Goffmann.

17 J. Habermas, TKH, p. 174; trad, franç, p. 135 (traduction modifiée).

18 J. Habermas, TKH, p. 175–176; trad. franç, p. 120–121 (traduction modifiée).

19 J. Habermas, TKH, p. 188; trad, franç, p. 130 (traduction modifiée).

20 Sur la position de Habermas à l'endroit de l'orientation phénoménologique en science sociale, cf. : J. Habermas, TKH, p. 176 sq.; trad. franĉ, p. 137 sq.; J. Habermas, Zur Logik der Sozialwissenschaften, section III.6, p. 207 sq.; trad, franç, p. 122 sq.

21 Il faut faire ici attention : si le chercheur n'est pas un pur observateur, il n'est pas non plus un pur participant. Habermas le considère plutôt comme un «observateur participant» (teilnehmender Beobachter) qui se doit de pénétrer performativement le contexte de vie des acteurs, non pas dans le but de coordonner, comme eux, certains plans d'action, mais plutôt en vue de comprendre et d'apprécier de façon critique leurs expressions symboliques. Cf. TKH, p. 167; trad, franç, p. 130.

22 J. Habermas, TKH, p. 436; trad, franç, p. 333–334 (traduction modifiée).

23 Si les interprétations rationnelles sont des produits du discours, nous devons en tirer la conséquence qu'elles ne peuvent elles-mêmes être mesurees à l'aune d'exigences de validité, à la différence des expressions ordinaires. Dans leur cas, comme dans le cas de tous les actes linguistiques échangés dans un dis cours, il ne peut y avoir d'autre critère d'évaluation que la «force consensuelle» des arguments, que leur capacité de conduire les interlocuteurs à un consensus fondé et rationnellement motivé, que ce soit à propos de l'admission, ou du rejet, d'une prétention donnée. La logique de telles discussions théoriques a été développée en détail par Habermas dans ses «Wahrheitstheorien» (1972) (cf. Habermas, J., Vorstudien und Ergänzungen zur Theorie des kommunikativen Handelns, Francfort, Suhrkamp, 1984, en particulier p. 174Google Scholarsq.; trad, franç, par R. Rochlitz sous le titre «Théories relatives à la vérité», dans Logique des sciences sociales et autres essais, p. 320 sq.).

24 TKH, p. 321 sq.; trad. franç, p. 245 sq. Cf. également «Questions and Counterquestions», dans Habermas and Modernity, p. 206 sq. Mentionnons en passant l'incroyable méprise dans la traduction française de ce chapitre (2.3) de la Théorie de l'agir communicationnel où, à deux reprises (p. 246 et 251), l'expression «Wissenschaftsbetrieb», «entreprise scientifique», est tour à tour rendue par «entreprise économique» et «activité économique» (!!!).

25 Les discours pragmatique, éthico-politique, moral et juridique constituent maintenant les composantes centrales de la conception procédural et délibérative de la démocratic que Habermas développe dans son dernier ouvrage, Faktizität und Geltung, cf. en particulier p. 195 sq.; trad, franç, p. 76 sq.

26 Habermas, J., Der philosophische Diskurs der Moderne, Francfort, Suhrkamp, 1985Google Scholar. Cf. en particulier le chapitre I «Das Zeitbewußtsein der Moderne und ihr Bedürfnis nach Selbstvergewisserung»; trad, franç, par Bouchindhomme, C. et Rochlitz, R., «La modernité : sa conscience du temps et son besoin de trouver en elle-même ses propres garanties», dans Le discours philosophique de la modernité, Paris, Gallimard, 1988.Google Scholar

27 J. Habermas, «Die Philosophie als Platzhalter und Interpret», dans Moralbewußtsein und kommunikatives Handeln, p. 9–34; trad, franç, par C. Bouchindhomme, «La redéfinition du rôle de la philosophie» dans Morale et communication, p. 23–40.

28 J. Habermas, Nachmetaphysisches Denken, Francfort, Suhrkamp, 1988, en particulier p. 46 sq.; trad, franç, par Rochlitz, R., La penséepostmetaphysique. Essais philosophiques, Paris, Armand Colin, 1993, p. 57Google Scholarsq.; «Entgegnung», dans Kommunikatives Handeln, p. 349 sq.; Erläuterungen zur Diskursethik, Francfort, Suhrkamp, 1991, p. 193; trad, franç, par M. Hunyadi, De l'éthique de la discussion, Paris, Éditions du Cerf, 1992, p. 171–172.

29 Cf. Böhler, D., «Zum Problem des “emanzipatorischen Interesses” und seiner gesellschaftlichen Wahrnehmung», Man in World, vol. 3 (1970), p. 2653CrossRefGoogle Scholar; Apel, K.-O., «Wissenschaft als Emanzipation? Eine Auseinandersetzung mit der Wissenschaftskonzeption der “kritischen Theorie”», Zeitschrift für allgemeine Wissenschaftstheorie, vol. 1 (1970), p. 173195.CrossRefGoogle Scholar

30 Cf. EI, p. 411 sq., trad, franç, p. 367 sq. Aussi: J. Habermas, Theorie und Praxis, Francfort, Suhrkamp, 1971, p. 28 sq.; trad, franç. par G. Raulet, Théorie et pratique, tome 1, Paris, Payot, 1975, p. 52 sq.

31 Sur le statut exact des sciences sociales reconstructives et leur relation à la philosophie, cf. notre article : «Le faillibilisme de Jürgen Habermas et ses difficultés : un faillibilisme conséquent est-il possible?», Dialogue, vol. 33, no 2 (1994), p. 253281.CrossRefGoogle Scholar