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Le naturalisme esthétique de Taine: entre positivisme et idéalisme

Published online by Cambridge University Press:  13 April 2010

Pascale Seys
Affiliation:
Institut supérieur d'architecture Saint-Luc, Bruxelles

Abstract

Taine aspired to place his philosophical project in the synthesis of the two major theoretical tendencies of the nineteenth century: positivism, on the one hand, giving preference to the English tradition, and German metaphysics, mostly Hegelianism, on the other. What does this attempt mean in the field of aesthetics? Taine based his interpretation of the production of art on a series of objective laws, following the naturalist method, as he clearly stated at the Ecole des Beaux-Arts de Paris where he taught for several years from January 1864.

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References

Notes

1 Dès la rentrée 1864, grâce au soutien de la princesse Mathilde, Taine assura la succession de Viollet-le-Duc à l'École des Beaux-Arts de Paris. L'édition définitive de ses leçons d'esthétique, parues sous le titre Philosophie de l'art (Paris, Hachette, 1880), regroupe divers travaux publiés séparément aux éditions Germer-Baillière sous les titres suivants: Philosophie de l'art, 1865; Philosophie de l'art en Italie, 1866; De l'idéal dans l'art, 1867; Philosophie de l'art dans les Pays-Bas, 1868; Philosophie de l'art en Grèce, 1869.

2 Zola, É., «Monsieur Taine, artiste», dans Mes Haines [1866]Google Scholar, Œuvres complètes, Paris, Cercle du livre précieux, t.1, p. 146. Comme le rapportent les éditeurs de la correspondance de Taine: «La leçon d'ouverture sur L'CEuvre d'art ne fut qu'une longue ovation qui ne resta pas confinée dans l'enceinte de l'École; à la sortie, malgré une pluie battante, les auditeurs suivirent en courant le fiacre qui emportait M. Taine, poussant des cris et des vivats. […] L'entente cordiale ainsi établie entre le professeur et les éléves ne s'affaiblit pas pendant les vingt années de son enseignement et il fut écouté avec un respect religieux». Taine, H., sa vie et sa correspondance, Paris, Hachette, 1902–1907, t. II, p. 274275.Google Scholar

3 Travail de cinquante-deux pages daté du 29 avril 1848. Taine, H., sa vie et sa correspondance, t. I, 1902, p. 20.Google Scholar

4 Ibid., p. 44. Dès sa classe de rhétorique, Taine était devenu, sous les conseils de son professeur Adolphe Hatzfeld, un visiteur assidu du musée du Louvre et du cabinet des Estampes. Sa correspondance atteste qu'il parcourut de nombreux musées lors de son voyage de 1858 en Belgique, en Hollande et en Rhénanie et qu'il fit de même lors de son séjour en Angleterre en 1860.

5 Il écrivait à de Suckau: «Je me console «…» en songeant que ce sera pour moi l'occasion de me faire un cours d'esthétique. J'ai déjà ecrit diverses choses sur le Drame et l'Épopee» (lettre du 15 Janvier 1852, H. Taine, sa vie et sa correspondance, t. I, p. 197).

6 Essai sur les fables de la Fontaine, 1853. Taine a maintes fois présenté cette étude comme un essai sur le Beau (H. Taine, sa vie et sa correspondance, t. II, p. 41, et Avant-propos à la seconde édition). Lors de la publication de la troiséeme édition de La Fontaine et ses fables, le philosophe réaffirmait son souci esthétique en déclarant: «Je suis si loin de nier le beau que j'en donne la formule» (lettre du 28 octobre 1862, Taine, H., sa vie et sa correspondance, t. II, p. 264)Google Scholar. La formule que Taine invoque dans cette lettre est très vraisemblablement celle que lui a inspirée l'Esthétique de Hegel: «La poésie est l'art de transformer les idées générales en petits faits sensibles, et de rassembler les petits faits sensibles sous des idées générales; de telle sorte que l'esprit puisse sentir ses pensées et penser ses sensations» (La Fontaine et ses fables, p. 319).

7 Droz, E., «Trois leçons sur la philosophie de l'art de Taine», Revue des Courset Conferences, 1896, p. 678710, 754–765, 791–808.Google Scholar

8 Rosca déclare que l'esthétique de Taine n'est positiviste qu'en apparence: «Lacrainte d'être pris pour un esprit qui precède par “abstractions subites” […]et le désir […] d'etre considéré comme un homme de science qui expose à ses lecteurs des résultats positifs […] engendrèrent dans son esprit l'illusion qu'il était de fait ce qu'il désirait être. De la le langage pseudo-scientifique où ilcherche à envelopper — je dirais même ou iù cherche à cacher — sa pensée hégélienne, langage qui la dissimule maladroitement» (Rosca, D. D., L'influencede Hegel sur Taine, théoricien de la connaissance et de l'art, Paris, J. Gamber, 1928, p. 406).Google Scholar

9 Par naturalisme, nous définissons une tendance, héritée de Spinoza, qui consiste a interpréter les phénomenès du monde moral sur le modèle des sciences naturelles. Contre le spiritualisme éclectique, ce mouvement préfère rechercher les causes des phénomènes dans les faits eux-mêmes plutôt que de chercher leur condition d'apparition dans un arrière-monde ideal. Nous avonsplus longuement etudie la methode du philosophe dans notre ouvrage, Hippolyte Taine et l'avènement du naturalisme, Paris-Montréal, L'Harmattan, 1999.Google Scholar

10 Philosophie de l'art, t.I, p. 9–10.

11 Au début de son Esthétique, Hegel posait le problème de la méthode à suivredans des termes analogues. I1 écrit: «Deux precédés se présentent, exclusifs et opposés. L'un empirique et historique, cherche à tirer de l'étude des chefsd'oeuvre de l'art des règles de critique et les principes du goût. L'autre, rationnel et a priori, remonte immédiatement à l'idée du beau et en définit les règles générales». Considérant que la premiére méthode était incapable de comprendre l'art dans son universalité et que la seconde était incapable de sortir d'une métaphysique abstraite, Hegel plaidait en faveur d'une méthode qui réconcilie ces deux tendances dans leur emploi simultané de sorte que la connaissance positive des oeuvres soit inséparable de la réflexion philosophique (Esthétique, t.I, p. 9–10). (Nous citons ici l'édition originale de 1875 de Bénard, C.. Le professeur de Taine, en effet, a résumé l'introduction de Hegel plus qu'il ne la traduit. Cf. à ce propos les remarques de Timmermans, B. et Zaccaria, P. dans la réédition de 1997, Paris, Le Livre de Poche, p. 4546).Google Scholar

12 Hegel s'opposait aussi à la thèse selon laquelle l'art échapperait à la scienceen raison de son caractère arbitraire et c'est en ce sens qu'il reprochait è Kantde n'avoir développé qu'une approche subjective de l'art sans mettre en évidence la part de réalisation objective.

13 Philosophie de l'art, t.I, p. 11–12.

14 Ibid., p. 12–13.

15 À A. Hatzfeld, lettre du 2 juillet 1854, Taine, H., sa vie et sa correspondance, t. II, p. 72Google Scholar. Dans cette lettre, Taine tente d'expliquer quelles sont les sensationspar lesquelles il reconnaît le Beau et en établit les conditions dans la nature. Iloppose à cet effet les personnages de Polyeucte et d'Horace qu'il qualified'«idées qui prononcent des Discours» aux personnages de Balzac et de Stendhal plus vivants parce que plus réels.

16 Ce sera la mission de L'idéal dans l'art que de déterminer ces critères objectifs. Dans la lettre-réponse de Taine à Philarète Chasles du 28 octobre 1862, Taine définissait le Beau non pas tant du point de vue de sa réception que commeune «relation fixe entre des variables» (Taine, H., sa vie et sa correspondance, t. II, p. 265)Google Scholar. Cette déclaration témoigne de l'adhésion de Taine à une conception objective de l'art qui conditionne sa réception subjective. Nous laissonsce problème en suspens pour le moment.

17 Philosophie de l'art, t.I, p. 15. Pour asseoir ce principede la mimésis Taine distingue deux périodes dans la carrière de l'artiste: le plein épanouissement dutalent lorsque l'auteur consacre ses efforts à l'observation minutieuse de la réalité, et la décadence de ce talent initial par la négligence progressive de l'observation. Michel-Ange et Corneille — le «Michel-Ange francais» — four-nissent des exemples de cette évolution négative. Au temps glorieux du «sen-timent vrai» ou ces artistes contemplaient les grandes émotions et les actions humaines, a succédé un temps où, se détournant des modèles vivants, ils ontcessé de créer pour «fabriquer».

18 Ibid., p. 23. Le roman naturaliste et expérimental glissera volontiers sur lapente du fait divers inspiré, du rapport de police et du reportage. On mesure déjà toute la distance qui sépare Taine de cette école.

19 Ibid., p. 27. Cette définition consonne avec la seconde preface des Essais. Tainey présente les faits du monde moral — et la littérature en particulier — commeayant leurs «dépendances» et leurs «conditions».

20 Ibid., p. 28–29. Dans son Introduction à la littérature anglaise, qui synthétise comme aucun autre texte, l'épistémologie de Taine, le travail de l'historien est défini comme devant «faire voir» 1'homme intérieur derrière 1'homme extérieur.

21 Philosophie de l'art, t.I, p. 29.

22 Ibid., p. 30. Taine avait déjà formulé cette thése dans La Fontaine. I1 opposaitla fable enfantine immergée dans la nature (copie du réel) à la fable philosophique abstraite (refus du réel) pour définir la fable poétique par son double caractère, vivant et systématique. I1 écrivait: «Créer n'est done que choisir, parce que choisir, c'est rassembler et agrandir» (La Fontaine et ses fables, p. 338).

23 L'introduction des types atteste de la distance prise par Taine par rapport à tout matérialisme: la saisie d'un type idéal, e'est-à-dire d'un universel concret, relève de l'abstraction qui constitue le présupposé essentiel de l'epistémologie«naturaliste» tainienne. Ce point est confirmé dans ses Notes sur l'Angleterre:«La meilleure méthode è mes yeux est toujours celle des artistes et des naturalistes: noter chaque figure ou expression trés saillante, la suivre dans sesnuances, ses dégradations et ses mélanges; vérifier qu'elle se rencontre dansbeaucoup d'individus; dégager ainsi les principaux traits caractéristiques, les comparer, les interpréter et les classer. Ainsi font par instincts les peintres etles romanciers» (p. 51).

24 Philosophie de l'art, t.I, p. 31.

25 Le rapprochement avec Platon est évidemment tentant. Le beau n'est-il pas idéal? C'est oublier toute la querelle de Taine avec les spiritualistes et le refus des arrière-mondes. Pour Taine, la beauté est une idée, certes, mais concréte, mais sensible, dont il a emprunté le vocabulaire à l'Esthétique de Hegel.

26 Philosophie de l'art, t.I, p. 33. Souligné par Taine. Sauf indication expresse, tous les textes soulignés le sont par l'auteur.

27 On retrouve ici les deux premieres démarches de l'analyse telle que Tainel'entend. De même que l'historien ou le romancier part de 1'homme visible pour pénétrer jusqu'à son âme, l'artiste doit aussi, à sa façon, dépasser la réa-lité extérieure pour pénétrer jusqu'à l'essence des choses.

28 Philosophie de l'art, t.I, p. 33.

29 Ibid..

30 Ibid., p. 48. Pour Hegel l'art, la religion et la philosophie manifestent l'idée soitde manière sensible, soit de manière imaginative, soit de manière conceptuelle. Chez Taine, également l'art se situe aux côtés de la science et de la religion à l'opposé de ce cercle d'activités où l'homme apparaît comme esclave des nécessités et où «il n'a encore songé qu'à lui-même et à ses pareils». En effet, dans la contemplation esthétique, l'homme «s'intéresse aux causes permanentes et génératrices desquelles son être et celui de ses pareils dépendent» (Ibid., p. 47–48).

31 À Hatzfeld, lettre du 12 mai 1854, Taine, H., sa vie et sa correspondance, t. II, p. 4647.Google Scholar Nous avons cité plus haut des déclarations analogues déjà confiées à Hatzfeld et à P. Chasles.

32 Rosca, , L'influence de Hegel sur Taine, p. 357.Google Scholar L'auteur renvoie à Werke, X1, 141: «Das Schöne bestimmt sich… als das sinnliche Scheinen der Idee».

33 Cuvier, G., Discours sur les révolutions du globe, Paris, Berche et Tralin, 1889.Google Scholar Taine suit en réalité un disciple de Cuvier, Richard Owen qui intègre aussi lesapports de G. Saint-Hilaire.

34 Philosophie de l'art, t. II, p. 239–240. Taine prend comme exemple d'organedominant la possession des mamelles chez certains vertébrés, qui définit le trait essentiel de la classe des «mammifères». En définissant le lion comme un«carnassier», Taine définit un caractére essentiel mais plus restreint que celui qui définit le «mammifère».

35 Taine a utilisé ce procédé déductif dans ses études de psychologie individuelle en mesurant les conséquences qui découlent du caractère dominantou de ce qu'il appelle aussi la «faculté maîtresse» des auteurs qu'il étudie. Il a ainsi résumé en une formule forte et significative le caractère de Stendhal («supériorité et ironie»), de Michelet («sensibilité et imagination»)ou de Tite-Live («historien et orateur»), etc.

36 Philosophie de l'art, t. I, p. 34.

37 Ibid., p. 37.

38 Ibid., p. 39–40.

39 Ibid., p. 40.

40 Ibid., p. 41–42. Taine soutient qu'il n'est pas nécessaire que l'art renvoie à des objets réels. En effet, si les trois arts d'imitation que sont la poésie, la peintureet la sculpture copient des liaisons et des dépendances organiques et morales, architecture et musique reproduisent, pour leur compte, des combinaisons de«rapports mathématiques».

41 Balzac, , Le Chef-d'auvre inconnu (1831 et 1837). Cité dans L'aventure de l'art au XIXe siècle, sous la direction de J.-L. Ferrier, Paris, Éd. du Chêne-Hachette, 1991, p. 325.Google Scholar

42 Le positivisme anglais. Essai sur Stuart Mill, Paris, Hachette, 1864, p. 139.Google Scholar

43 Philosophie de l'art, t.I, p. 55–56.

44 Ibid., p. 49. Cette formulation générale a suscité bien des critiques et notam-ment les railleries des Goncourt: «Taine proclame que tous les hommes de talentsont des produits de leurs milieux. Nous soutenons le contraire. Où trouvez-vous, lui disons-nous, la racine dans l'exotisme de Chateaubriand: c'est un ananas poussé dans une caserne! Gautier vient à notre appui et soutient pourson compte que la cervelle d'un artiste est la même du temps des pharaons quemaintenant. Quant aux bourgeois, qu'il appelle les néants fluides, il se peutque leur cervelle se soit modifiée, mais ça n'a pas d'importance» (Journal, t. III, 10 Janvier 1866, Paris, Flammarion-Fasquelle, s.d., p. 8).Google Scholar

45 Philosophie de l'art, t.I, p. 55. Taine a ainsi répondu par avance à ceux qui luiont reproché de négliger le talent individuel. Taine ne prétendait pas expliquerle mystére de la «graine» plus féconde que les autres, il constate simplement qu'il y a un certain nombre de telles graines à chaque àpoque.

46 Ibid., p. 73. Cette citation éclaire la formule centrale de l'esthétique de Taine:«L'idéal est le réel purifié». Il ne s'agit pas de quitter le corps sensible, mais d'en dégager la forme la plus épurée, en la dégageant de tous les traits accidentels. «Abstraire, c'est soustraire», aimait à répéter Taine.

47 Ibid., p. 80-81.

48 Ibid., p. 86-87.

49 Ibid., p. 89.

50 Ibid., p. 90-91.

51 Ibid., p. 93.

52 Ibid., p. 94-96. Taine note que «la maladie du siècle» qui a triomphé avec leromantisme n'a pas disparu de son temps: «[…] sous la froideur apparente ou l'impassibilité morne de l'esprit positif, elle subsiste encore aujourd'hui» (Ibid., p. 97). Il notait, dans Thomas Graindorge, «En Europe, nous avons lascience. C'est aussi un suicide lent et intelligent» (Notes sur Paris. Vie et opinions de M. Frédéric-Thomas Gra(Worge[1867], Paris, Hachette, 1959, p. 330).

53 Philosophie de l'art, t, I, p. 99. La musique a souvent été considérée comme unart mineur ou d'«agrément». C'est au XIXe siécle qu'elle s'est vue placée ausommet de la hiérarchie des arts, notamment par Schopenhauer. Les réflexionsde Taine ne manquent donc ni d'intérêt ni de pertinence.

54 Ibid., p. 105-106. Taine va peut-être à l'encontre d'une version simplifiée, bienqu'assez courante, du thème de la mort de l'art chez Hegel. Certains interprètes considèrent en effet que ce thème ne signifie pas la disparition de l'art, mais la perte de son sens métaphysique.

55 Ibid., p. 269.

56 Ibid., p. 273. On songe à l'Invitation au voyage de Baudelaire (qui, on le sait, concerne la Hollande): «Les soleils mouillés / De ces ciels brouillés / Pour mon esprit ont le charme / Si mystérieux / De tes traîtres yeux / Brillant à travers leurs larmes».

57 Ibid., p. 274.

58 Ibid., p. 275.

59 Ibid., p. 275-277. On remarque que les analyses de la peinture des Pays-Bas de Taine préfigurent l'impressionnisme. Nous reviendrons sur ce point ultérieurement. Par ailleurs, le rapprochement entre peinture et musique est neuf à l'époque. Cf. le sonnet Correspondances de Baudelaire: «Comme de longs échos qui de loin se confondent / Dans une ténébreuse et profonde unité / Vaste comme la nuit et comme la clarté / Les parfums, les couleurs et les sonsse répondent».

60 Zola, É., Le bon combat. De Courbet aux impressionnistes, rééd. Paris, Herman, 1934, p. 38Google Scholar. Dans l'étude par ailleurs élogieuse, parue dans Mes Haines, «Monsieur Taine, artiste», Zola déplorait que, pour des raisons de cohérence interne à son système, Taine ait rejeté la notion de «faculté maîtresse» de l'individu au profit de causes plus collectives comme le moment ou le milieu.

61 Taine a donné cette partie du cours, qui forme la conclusion de l'édition définitive, en troisième lieu apres l'étude de la nature de I'art et de l'art en Italie Comme le remarque Rosca, c'est le complement logique de la definition de l'art qu'il a formulée initialement. Taine a dédicacé L' idéal dans l'art à Sainte Beuve et déclarait à Bourget y avoir mis toute sa theorie et toutes ses preuves (lettre du 24 novembre 1881, H. Taine, sa vie et sa correspondance, t. IV, p. 138).

62 Philosophie de l'art, t. II, p. 225.

63 À l'époque de son combat contre la philosophie officielle, il avait écrit à Guillaume Guizot: «L'artiste n'a pour but que de produire du Beau, le savant n'a pour but que de trouver le Vrai. Les changer en prédicateurs, c'est les détruire. Il n'y a plus de science, ni d'art, dès que l'art et la science deviennent des instruments de pédagogie et de gouvernement» (lettre du 25 octobre 1855, H. Taine, sa vie et sa correspondance, t. II, p. 122).

64 Philosophie de l'art, t. II, p. 224.

65 Ibid., p. 225. J.-T. Nordmann estime que la dualité de l'essence et de l'idée trahit une hésitation: «Les tiraillements de la formulation traduisent l'antagonisme de deux exigences qui s'imposent à Taine: faire des choix de l'artiste 1'instrument d'une mise en relief des données objectives et, tout à la fois, rendre compte de la pluralité des visions esthétiques d'une même donnée, d'unmême objet. Car s'il peut exister plusieurs caractères essentiels, la diversité desoeuvres, qu'atteste 1'histoire de l'art, se trouve fondée en raison. La définitionque Taine propose vise à concilier, le plus possible, fût-ce par approximation ou juxtaposition, l'unité de l'essence et le pluriel des oeuvres» (Taine et la critique scientifique, Paris, PUF, 1992, p. 129). En réalité, Taine n'expose en cet endroit qu'une position provisoire qu'il a dépassée en montrant comment l'initiative de l'artiste, son idée, se rapproche de l'essence même de la chose eny pénétrant de plus en plus profondément.

66 Philosophie de l'art, t. II, p. 226-227.

67 Ibid., p. 230-232.

68 Ibid., p. 232.

69 Ibid., p. 235-236.

70 Ibid., p. 249-250.

71 Ibid., p. 253.

72 Ibid., p. 254. Nous soulignons. On pourrait évidemment objecter que Taine, en parlant de «race supérieure, capable de civilisation» semble supposer desraces inférieures, incapables de civilisation. Peut-être faut-il n'y voir qu'un préjugé de l'époque. Encore faudrait-il vérifier s'il ne s'agit pas, dans ces cas, d'accidents historiques et non d'infériorité naturelle. J. Lefranc a insisté sur la confusion de la notion de «race» chez Taine, en tant qu'elle englobe à la fois des déterminations physiologiques, des caractères linguistiques et des réalités nationales, mais en indiquant qu'elle permettait à Taine de faire l'économie des entités métaphysiques en histoire» («Taine, critique de Cousin», Revue dela France et de l'Étranger [octobre-décembre 1987], n° 4, p. 449-461).

73 Philosophie de l'art, t. II, p. 261.

74 Ibid., p. 263. On notera à nouveau cette profession d'universalité qui confirmela thèse que nous avons relevée précédemment.

75 Ibid., p. 282-283. Pour Taine, le type biologique se maintient dans une sortede finalité immanente pour échapper à la destruction.

76 Ibid., p. 286.

77 Ibid., p. 297.

78 Ibid., p. 316.

79 Ibid., p. 320.

80 Ibid., p. 322-323.

81 Si l'idée de la supériorité des oeuvres de l'art sur les oeuvres naturelles est omniprésente dans la Philosophie de l'art, on peut pourtant lire ailleurs, chez Taine, des propos qui contredisent cette préférence. Il écrit par exemple dans les premières pages de son Voyage en Italie: «À ce propos même, je dois commencer par un petit examen de conscience; il est prudent de regarder la construction de son instrument avant de s'en servir. Experiénce faite, cet instrument, âme ou esprit éprouve plus de plaisir devant les choses naturelles quedevant les oeuvres d'art; rien ne lui semble égal aux montagnes, à la mer, aux forêts et aux fleuves» (Voyage en Italie, Paris, Hachette, s.d., p. 4).

82 Philosophie de l'art, t. II, p. 329.

83 Ibid., p. 332.

84 Ibid., p. 339.

85 Ibid., p. 342.

86 C'est le cas des théoriciens dont Cousin s'inspire, comme Winckelmann et Quatremère de Quincy qui s'autorisaient de la théorie platonicienne des idées pour placer l'art à distance de la nature en exigeant qu'il se conforme à cette généralité abstraite «planant», pour ainsi dire, au-dessus des choses individuelles. C'est ainsi que Cousin écrit dans sa dissertation de 1818 sur le Beau réel et le Beau idéal: «L'idéal dans le beau comme en tout est la négation du réel. L'idée est général pur» (cité par Ravaisson, F., La philosophie en Franceau dix-neuvième siècle, Paris, Hachette, 1904, p. 22)Google Scholar.

87 Voyage en Italie, t. I, p. 5. Dans une perspective semblable, Taine avait déclaré en 1853 que «la force et la santé sont toujours les premières beautés» (Voyage aux Pyrénées, Paris, Hachette [1855], 1875, p. 9).

88 Ibid.

89 Lettre du 12 mai 1854, H. Taine, sa vie et sa correspondance, t. II, p. 47.

90 Par exemple, George Sand écrivit à l'auteur, dans une lettre datée du 14 juin 1867: «J'ai recu et vite lu votre beau livre, cher Monsieur. La théorie en est si simple et si claire qu'on s'étonnerait de la trouver neuve, si on ne savait que 1'esprit se dégage des voies tortueuses qu'après les avoir toutes fouillées.[…] Votre application de la science naturelle aux oeuvres de 1'esprit me plaît beaucoup. Ce doit être parfaitement vrai. Il ne semble même pas que cela ne puisse n'être pas certain et avec cela, vous avez la forme si riche et si belle que l'on vous donnerait encore raison si vous vous trompiez» (Correspondance, textes réunis, classés et annotés par Lubin, G., Paris, Gamier, 1985, vol. XX, p. 436)Google Scholar.

91 L'étude de la postérité de Taine nous entraînerait trop loin. Signalons simplement qu'Élie Faure se réclame ouvertement du philosophe dans L'esprit desformes ([1927], rééd. Paris, Pauvert, 1964), de même qu'Henri Focillon dans La vie des formes ([1931], rééd. Paris, PUF, 1955). Or on sait à quel point cesdeux auteurs ont marqué André Malraux et son Musée imaginaire.

92 Monneret, S., L'impressionnisme et son epoque, Dictionnaire international, Paris, Robert Laffont, 1987, t. I, p. 931Google Scholar.

93 Ibid., p. 932.

94 Il est à remarquer que Taine, qui suit un modèle évolutionniste, n'est pas à l'abri d'un préjugé qui le conduit à privilégier les périodes de maturité d'un artiste ou d'une période historique, en négligeant les périodes extrêmes d'éclosion et de déclin. Depuis Taine, la réflexion sur l'art a été amenée à réhabiliterles périodes que l'auteur jugeait «primitives» ou «décadentes».

95 Taine n'identifie pas La Tour mais il pense aux frères Le Nain. II faut attendre1915 pour qu'un article de H. Voss reconnaisse dans Le Nouveau-né une oeuvrede La Tour. C'est en 1934, qu'une exposition intitulée «La Tour, peintre de la réalité» révéle enfin au grand public quatorze de ses oeuvres.

96 Saint-Guily, A. Lacau, La Tour, une lumière dans la nuit, Paris, Mame, 1992, p. 42Google Scholar.