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La logique et la pensée

Published online by Cambridge University Press:  05 May 2010

Jean Theau
Affiliation:
Université d'Ottawa

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Il semble que, surtout dans les pays de langue anglaise influencés par un idéal industriel, un assez grand nombre de phi-losophes, nouveaux Pygmalions sans le savoir, aient caressé le rêve pourtant glacial d'une logique toute mécanique, qui organiserait le savoir en se substituant à la pensée. Le désir de transporter en philosophie les victotres sans réplique du calcul et de la technicité, où le génie humain se dissimule mais se sent sûr de soi comme un dieu, le culte de l'objectivité rationnelle joint au scepticisme sur l'Esprit et à ce genre d'aversion qu'on pourrait appeler misopsychie, car il s'y mêle la crainte de l'erreur et l'antipathie pour les royaumes du coeur ou de l'imaginaire, ont contribué à enfanter et à répandre, entre autres choses, ce nouveau « rêve de pierre » hélas sans beauté! Que serait une « science sans conscience »? N'est-ce pas là une notion aussi contradictoire, et même dont 1'objet s'avère plus radicalement impossible, que celle d'un carré-rond? Néan-moins quand on parcourt la litterature contemporaine sur le sujet, on serait en droit de conclure qu'un assez grand nombre de philosophies, qui cependant passent leurs journées ou leurs veilles à s'in-terroger sur les conditions de la science, ont cessé de se le demander.

Type
Articles
Copyright
Copyright © Canadian Philosophical Association 1977

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References

1 Il vaudrait la peine de relire dans cette perspective Hard Times de Dickens, en particulier les premiéres pages qui évoquent presque directement nos « hard facts » et hard « core ».

2 Cf. à ce sujet la dernière mise au point de R.J. Nelson, pourtant tres favorable au mécanisme, dans son article « Mechanism, Functionalism, and the Identity Theory » — Journal of Philosophy, July 15, 1976, en particulier p. 377–8 et p. 383.

3 Thèse que reprend aussi à son compte. dans son dernier article, Nino Coc-chiarella: cf. « On the Logic of Natural Kinds » Philosophy of Science June 1976.

4 Par « proposition » nous entendons en gros ici ce que les Anglo-Saxons en-tendent par « sentence », c. à.d. l'expression d'une pensée qui peut être vraie ou fausse.

5 Nous préférons « moléculaire » a « atomique » pour désigner l'unité élé-mentaire du discours. parce que cette unité est elle-même complexe: fait capital pour la philosophie de la proposition et déjà pour sa logique.

6 C'est pourquoi il taut bien distinguer les équivalences exprimées par le bi-conditionnel ⇆ des identités exprimees par le signe =; les premières identifient des propositions; les secondes des termes. constituant par là de vraies propositions ca-tégoriques.

7 Sur la flexibilité de cette distinction, voir l'article de Moravcsik, J.M.O. « Strawson on Predication » (Journal of Philosophy, 06 24, 1976, p. 338–9 en par-ticulier) dont la thèse rejoint la ntre à tant d'egards. Mais la critique de Ponto-logisme strawsonien ne justitie pas qu'on rejette dans l'ombre. nous semble-t-il. l a distinction sujet-prédicat.Google Scholar

8 Voir à ce sujet, précisément, 1'article de Moravcsik.

9 C'est pourquoi, à quelques difficultés qu'on s'expose par là. on peut fort bien concevoir une logique du 2e, 3e ordre …etc., une logique modale, une logi-que intentionnelle … etc. Mais les divers objets possibles de la pensée ne se prè-tent pas tous également, comme James et Bergson l'ont souligné, au traitement lo-gique!

10 Cela ressort particuliérement des Primipiu Mathematica où Russell, après avoir défini la logique comme la science de I'inférence, définit l'implication, res-sort de I'inference. en termes de vérité.

11 Rapport sur lequel la Logiqne de Port-Royal et Locke ont très justement in-sisté; leur tort a été de trop négliger les autres rapports inclus dans la proposition, bien qu'ils les aient aper?us (Cf. en particulier leur théorie de l'affirmation et de l'existence).

12 D'ou il suit que la proposition, en tant que telle, ne saurait correspondre à un objet, contrairement à ce qu'ont voulu croire Frege et le premier Russell: le rapport sujet-objet n'est pas réductible à un objet.

13 C'est ici que nous sommes d'accord avec Moravcsik contre Strawson.

14 Cf. Wissenschaft der Logik. Suhrkamp Verlag 1 p. 61–62.

15 C'est très clair dans la théorie des modèles, où les symboles V (T) et F sont les premiers introduits; ce ne l'est guère moins dans la présentation axioma-tique, où les notions de vrai et de faux sont fondamentales pour la définition des connecteurs, ainsi que pour « 'interprétation du langage L ».

16 De même qu'elle ne réussit guère dans l'analyse et la « démonstration » des connecteurs, dont elle donne pourtant la définition métalogique: cf. à ce propos l'article de H. Leblanc « Queries on Truth-Conditions7raquo;, Dialogue 14, September 1975, p. 410–419.

17 Ce que tendrait à accréditer le slogan classique: la logique s'occupe de va-lidité (ou de relations analytiques) non de vérité. Pour une réflexion critique sur ce point cf. Quine: Truth by Convention et le célèbre Two Dogmas of Empiricism. cism.

18 Comme Strawson par exemple, rencherissant sur Quine, l'indique très fer-mement dans Propositions, Concepts and Logical Truths. Et Poincaré lui-même, dont le conventional!sme n'était pas sans nuance, I'avait déjà souligné dans I'ironi-que « La liberté de la contradiction » Science et Méthode, p. 195 et sq. ou p. 160–3 sur « Les définitions et les axiomes ».

19 Ce que Ch. Serrus (dont I'opinion de logicien pourrait être contrastée avec celle de 1'épistémologue ou du savant) exprimait fortement dans son Traité de Lo-gique quand il disait qu'un concept dont on a changé un iota n'est plus le même concept.

20 Cf. Pour une révue récente de ces difficultés et de ces problèmes l'article de Kripke: « Outline of a Theory of Truth » (Journal of Philosophy. 6 nov. 1975) Cummins, ou celui de: « The Philosophical Problem of Truth-of » Canadian Journal of Philosophy, 5, 09 1975, p. 103122.CrossRefGoogle Scholar

21 Pour une défense récente de cette doctrine cf. Dauer, F.W.. « In Defense of the Coherence Theory of Truth », Journal of Philosophy, 5 déc. 1974.Google Scholar

222 Cf. Les mots significatifs de Tarski dans The Semantic Conception of Truth: « I. The main problem, a satisfactory definition of truth ».

23 Ce qui était en fait I'objet principal de Tarski, comme le soulignent Kripke et Cummins.

24 Cf. en particulier « Facts and Propositions », « Truth and Probability » in The Foundations of Mathematics.

25 Ce que met en vive lumière I'explication que Malebranche donnait de sa for-mule lapidaire, « la vérité n'est que rapport » (« rapport réel » alors que la fausseté est « un rapport imaginaire »): « comme il y a des rapports de trois sortes, d'une idee à une autre idée, d'une chose à son idée ou d'une idée à sa chose, enfin d'une chose à une autre chose, il y a des vérités et des faussetés de trois sortes ». Re-cherche de lu Vérité Livre VI 2e partie, chap. 5.

26 Cf. Wittgenstein: Tractatus 4-1 « Der Satz stellt das Bestehen und Nicht-bestehen der Sachverhalte dar »: et 4–10 « Der Satz ist ein Bild der Wirklichkeit7raquo;.

27 « (T) X is true iff p, (…) where the symbol « x » represents the name of a sentence which « p » stands for ».

28 Cf. encore Kripke et Cummins art. cit. ou le brillant sommaire de Prior dans 1'Encyclopaedia of Philosophy: art. Correspondence Theory of Truth.

29 The Semantic Conception of Truth anil the Foundations of Semantics 1944. The Concept of Truth in Formalized Language 1956.

30 Laquelle a été formulée de façon peut-être plus radicate par Spinoza lors-que, développant son fameux « verum index sui ». il affirmait que « nulle marque n'est nécessaire en dehors de la possession de I'idée vraie » ou encore Etliiqtte II.

31 À remarquer que l'on constate déjà ici une certaine dissymétrie entre le vrai et le faux, sur laquelle nous allons revenir.

32 Où elle se réintroduit très aisément, toutefois, par la locutio n non redon-dante « il est vrai que … ». dès qu'un doute ou une contestation sur la proposition en rend la function capitale, — manifestant du même coup sa spéciticité par rapport au contenu de la proposition.

33 Quoique cette conscience soit souvent, en fait. « non-thétique », comme di-rait Sartre, c.à.d. ne fasse pas I'objet d'une réflexion explicite.

14 Cf. la première partie de notre texte.

35 Ce que saint Anselme dans son De Veritate et Malebranche dans sa Recher-che de In Vérité ont bien mis en lumière. tout en soulignant que cette rectitude consiste précisément à juger d'après l'évidence objective.

36 Ce qui faisait dire à Descartes: « La vérité est une même chose avec l'être », a l vérité n'ayant pour objet que l'èêtre. qui en est en même temps le principe; mais dans son essence la vérité est l'être pensé. conformément à ce qui est.

37 Comme le disait Spinoza de 1'idée et de l'idée de l'idée dans le De Emen-datione, 27: « l'idée, en tant qu'elle a une essence formelle, peut être l'objet d'une autre essence objective (…) et ainsi indéfiniment.

38 Pour Russell cf. « Mathematical Logic as based on the Theory of Types » in Logic and Knowledge; pour Tarski, les articles reproduits dans Logic, Semantics and Metamathematics.

39 Voir à ce sujet, dans i'article cité plus haut, les amusantes réflexions de Kripke sur i'affaire Watergate.

40 Ce genre de contradiction, qui tourne en rond sur soi dans un mouvement fou, est la contradiction que Hegel oppose à la contradiction (ou á la négation) mo-trice et féconde, celle qui permet d'avancer d'un type de catégories à un autre: cf. à ce sujet notre article (Dialogue, dec. 1974): La place du nombre dans la dia-lectique hégélienne, p. 749–50.

41 Cf. à ce sujet la lumineuse analyse de Bergson dans L'Énergie spiritiielle, p. 45.

42 Cf. The logicist foundations of Mathematics in Philosophy of Mathematics, ed. Benaceraff and Putnam, p. 37 et sq.

43 On pourrait dire, en parodiant le célèbre: « la métaphysique ne doit pas ab-soudre ce que la morale condamne » de Lachelier: la logique ne doit (et ne peut) pas lever la contradiction que le mensonge inflige inévitablement à la pensée.

44 Place d'ailleurs par Mates, sous une écriture plus conforme à la tradition, en tête des théorèmes, et impliqué dans les Principa par les deux premières pri mitives: pνppetpνq.

45 Propriété qui sert à démontrer, comme on sait, la consistance et la complé-tude du calcul propositionnel.

46 Cela ressort des analyses de Poincaré comme des axiomes de Peano, ce qui fait que l'induction mathématique, même si elle est bien nommée, conserve un statut particulier. Cf. notre « La philosophie mathématique de Poincaré et le prin-cipe d'induction complète » forthcoming.

47 Cf. à ce sujet l'intéressant article de Nelson, R.J.: « On Mechanical Reco-gnition » Philosophy of Science, 03 1976.Google Scholar

48 Cf. La remarque voisine de N. Cocchiarella (art. cit. note 3): « There is no pure and simple concept of identity, despite our formalistic pretentions to the contrary ».

49 Il nous semble que nos réflexions rejoignent, sur ce point, celles de N. Chomsky dans ses Reflections on Language: cf. en particulier chap. 1. « On Cognitive Capacity ».